En entrant dans son atelier parisien, on est saisi par une quantité de toiles blanches aux murs, au sol, en hauteur, à plat, sur la tranche, autant de grandes plages blanches sur lesquelles l’artiste va ou vient déposer une laitance magique, support de ses écritures.
Parlons d’écritures, elles sont nombreuses : à l’aide de pinceaux fins, étroits, de spatules, il va d’un geste, lancer ses signes cabalistiques, ses ponctuations comme des gravures, des grands gestes de brosse, de pinceaux, seuls ou en nombre, ou des circonvolutions dignes d’un derviche tourneur, jusqu’à des explosions comme des grandes tâches contrôlées d’une force très mesurée.
Parfois des ondulations nous conduisent sur des fleuves imaginaires, tel est aujourd’hui son langage. Tout récemment, la culture coréenne revient et les deux langages se superposent, et s’associent pour nous annoncer un nouveau code d’une écriture imaginaire qui vous prend le souffle. On est à la fois dans une tradition millénaire et une calligraphie du futur.
Lee Bae est un « maître du QI », en un geste et une respiration, il occupe l’espace et maîtrise son œuvre et le mental devient visuel.
Le feu à toujours fasciné Lee Bae, ce feu qu’il a en lui, ce feu qu’il maîtrise pour calciner, ce feu qu’il fixera avec sa caméra.
Avant le futur, Lee Bae tenta beaucoup d’expériences. Aplat noir, matière sur feuille blanche, le charbon était omniprésent. Bien sur, il est à l’origine de l’encre de Chine qu’il appliqua avec tant de sensibilité, avec des frontières incertaines qu’il amplifie et maîtrise avec virtuosité.
Il y eu aussi cette période « agrafes ». Lee Bae s’aperçu qu’en perforant le contreplaqué, elles créent des reliefs, des brisures, des échardes incertaines, que très vite il contrôle pour en faire des grands paysages. En créant ces échardes, les aspérités du bois contrôlées, il en fit une réserve d’insectes surdimensionnée, une sorte de collection pour entomologiste collectionneur. Et puis le bois toujours présent, il le brûle, le découpe, le ligature comme des fagots d’archéologie en grande surface et scié, on retrouve des plans d’une planète brulée. Vient ensuite toute une série de sphères ou de formes oblongues, perforées, calcinées, qui partent en groupe sur les murs telles des météorites. Elles seront présentées ici, composées comme une pluie d’ovnis, qui s’accrochent au mur entrainant leurs ombres.
Lee Bae est un grand poète de notre époque, magicien de la toile, un scribe du troisième millénaire, sculpteur de cendre. Sa sensibilité à fleur d’encre incite qu’on le découvre avec toute l’émotion qu’il suscite et le respect qu’il mérite
Jean-Michel WILMOTTE